Paliu-Murgan Minodora,

profesor, C.N.Ecaterina Teodoroiu

Pourquoi des activités d’écriture en classe ?

L’écriture des élèves est principalement sollicitée en classe pour la prise de notes, pour des écrits scolaires répondant à des exigences formelles académiques, qui sont essentiellement critiques, analytiques et réflexives. Les apprenants ont rarement l’occasion d’ exercer leur style personnel. C’est pourquoi pour eux la littérature demeure seulement un objet d’analyse et de réflexion :la dimension esthétique et sensible est souvent effacée au profit des considérations lexicales ou grammaticales.

Une solution seraient les ateliers d’écriture en classe, au cours desquels l’enseignant peut sortir de son rôle prescripteur pour favoriser une expression plus spontanée, indépendante de tout critère d’évaluation, qu’elle soit positive ou négative. Les erreurs ne sont pas corrigées sur place, on pourrait le faire dans un second temps, soit collectivement ,soit individuellement.

L’atelier d’écriture a pour but de déplacer l’objet de l’apprentissage : les participants n’écrivent plus pour apprendre, pour être évalués par l’enseignant, pour passer un test ou un examen ,mais bien pour prendre du plaisir. D’habitude en classe l’on se concentre le plus souvent sur une langue utile, fonctionnelle, efficace. C’est pourtant un élément essentiel de l’apprentissage , le plaisir pris par les apprenants est une source de motivation. La « découverte » de leur créativité, de leur imagination en langue étrangère leur fait prendre conscience que cette langue n’est pas seulement une matière scolaire, mais aussi un vecteur de communication.

Dans une approche pédagogique de l’écrit centrée sur le « plaisir d’écrire » la tâche de l’enseignant est de guider les apprenants ,en les faisant découvrir que la rédaction de textes est à leur portée, même en langue étrangère.Facile à dire, difficile à faire.Comment s’y prendre pour aider les apprenants à développer leur compétence d’expression écrite?

Voilà quelques principes :

1.L’expression écrite sera abordée dans la perspective d’une approche communicative ,qui privilégie l’interaction. Il s’agit de faire pratiquer le français d’une manière ludique, créative, imaginative et de dédramatiser l’écrit. Le genre de textes produits : poème, récit, lettre, télégramme, dialogue, interview, affiche publicitaire, histoire, roman, nouvelle, conte, critique de film, etc.

2Les activités d’expression écrite ne seront pas isolées ,mais elles seront précédées ou suivies d’autres activités d’expression orale, de lecture et de compréhension orale qui permettront de créer le contexte nécessaire à réaliser la tâche et à générer les idées. Elles seront forcément précédées d’un travail d’analyse de la forme à produire ,pour mieux connaître les contraintes formelles .Le type d’activités: reconstruire un texte décomposé, le reformuler ou produire un tout nouveau texte avec une contrainte ou non (écrire en utilisant un certain nombre de mots obligatoires.

Ces activités visent à mobiliser et développer les connaissances linguistiques, sociolinguistiques, discursives (du fonctionnement des textes), référentielles (du monde) et socioculturelles . Elles permettent de réaliser des objectifs pédagogiques divers:

– objectifs linguistiques fonctionnels (p.ex. donner un conseil, décrire un personnage, exprimer ses sentiments)

– objectifs linguistiques grammaticaux, lexicaux

– objectifs linguistiques stylistiques (savoir comment créer un effet d’ironie, d’humour, savoir – créer une atmosphère dans un texte, etc.)

– objectifs sociolinguistiques (manier les régistres de langue)

– objectifs discursifs (connaître le fonctionnement des types de textes)

– objectifs socioculturels (connaître le mode de vie et la culture d’un autre pays)

– objectifs socio-affectifs

– objectifs d’apprentissage (apprendre à apprendre).

3.Pour déclencher la production , on utilisera un support auditif ou visuel: un extrait de film, une image, un clip vidéo, un texte littéraire, une série de mots ou de phrases, une chanson etc.Les supports pédagogiques utilisés seront authentiques,ce qui permettra à l’apprenant d’entrer en contact avec la culture littéraire et artistique en langue française . Les apprenants s’entraideront dans la phase de correction de leurs textes, le processus d’apprentissage étant de cette manière stimulé par l’interaction et le dialogue.

4.L’enseignant laissera le plus possible de temps de parole et de travail aux apprenants, se limitant à mettre en route le processus. Il interviendra quand ceux-ci le lui demanderont.Les apprenants travailleront de façon autonome (individuellement ou en groupes ).

5.Le sujet d’invention ne doit pas être forcément placé en fin de séquence, lors d’une évaluation sommative, il peut, au contraire, intervenir à tout moment dans la séquence. Ainsi, on peut très bien ouvrir une séquence par l’écriture d’un sujet d’invention, proposer celui-ci comme évaluation formative, sommative.

Il y a toute une typologie d’ ateliers d’écriture:

-Jeux de mots, de langage, jeux poétiques.

-Récits autobiographiques qui visent à permettre à l’apprenant de mettre à distance son «vécu», ses émotions, ses sentiments. Mais il y a le risque de l’amener à dire ce qu’il voudrait «masquer» pour des raisons psychologiques ou sociologiques. Deux précautions doivent être prises. Premièrement, dans la plupart des cas, il faut proposer plusieurs entrées, afin d’élargir les choix de l’élève,ensuite détourner ,de façon «fictionnelle», les consignes.

-Les écrits «réflexifs» qui visent à aider l’apprenant à mettre en mots et en forme son expérience ,notamment son expérience scolaire.

-Ecrits imaginaires qui permettent de faire appel à l’imagination et de jouer sur la dimension de la fiction.

Bien évidemment cette typologie est arbitraire et d’autres catégories pourraient être également trouvées. D’autre part, il arrive souvent que les apprenants détournent des consignes.A l’école, il est plus intéressant de choisir plusieurs types d’ateliers,plutôt que de s’arrêter à une seule, si l’objectif est de rendre plus aisée l’écriture des apprenants qui ont des difficultés à écrire.

   Pour finir, en voilà quelques exemples d’activités d’écriture trouvés dans les livres de François Bon, Tous les mots sont adultes et de Georges Perec ,Espèces d’espaces.

Je n’aimerais pas… mais parfois si

François Bon, Tous les mots sont adultes, p.36, ed. Fayard
Rédiger un texte de dix à quinze vers sur la structure suivante, en alternant les 3 propositions à sa guise :
« Je n’aimerais pas… mais parfois si
« J’aimerais… mais parfois non
« J’aimerais… mais pas toujours »

Dire la nuit

François Bon, Tous les mots sont adultes, p.81
Dire la nuit vue d’une fenêtre de cuisine ou d’un balcon de chambre, d’un bureau, perspective d’une place de gare, lumières d’une rue la nuit… bruits de la nuit dans l’appartement et à l’extérieur. Superposer une description diurne à cette description nocturne. Dire pourquoi on est spectateur de nuit, pour quelle raison on ne dort pas s’il est tard.
Rituel familial

François Bon, Tous les mots sont adultes, p.240
« Isoler une tranche singulière de réel, soumise à répétition par des lois qui lui sont extérieures » : grande réunion de famille (repas), départ en vacances, 14 juillet, Toussaint, fête de Noël, fête religieuse, réveillon, mariage, enterrement, manifestation / compétition sportive…
Quelles sont les images – pivots? La page devient le théâtre de ce rituel familial.
Chaque fragment de rituel doit donner lieu à un nouveau paragraphe (5 ou 6 au total), même très court, en terminant chaque paragraphe sur une image fixe. L’ordre peut ne pas respecter la chronologie.

Le portrait araucan d’une ville qu’on aime
Faire le portrait Araucan en dix touches d’une ville qu’on aime en développant des comparaisons / métaphores :
Ex : « Si c’était un animal/ une couleur / un son / un parfum / un prénom / un monument…, ce serait… à cause de / en raison de / car… »

La ville

Imaginer toutes sortes de villes : des villes de gauchers, des villes tout en confiseries, des villes sans écoles, des villes où les habitants sont classés par âge, des villes transparentes ou mobiles… Ibid p.87 Donner pour nom à la ville un prénom .

Verbes du quotidien

cf Perec, Espèces d’espaces, p.70-71 : déménager / emménager
a) Raconter à travers une simple énumération de verbes à l’infinitif toutes les actions que l’on accomplit au cours d’une journée au collège.

De l’inventaire au calligramme

Cf. Graveurs d’enfance de Régine Detambel, citée par François Bon, dans Tous les mots sont adultes, p.225

  • Faire l’inventaire de son sac (sans l’ouvrir) en énumérant tous les objets qu’il contient, y compris (et surtout) ceux qui ne sont pas scolaires). On peut également faire l’inventaire de tout ce qui pourrait s’y trouver, en laissant libre cours à son imagination (finir par des choses invraisemblables).
    • Choisir l’un de ces objets :

-Chercher 10 mots ayant la même sonorité
-Chercher 10 synonymes ou mots appartenant au même champ lexical que ce mot.
-Chercher 10 verbes exprimant une action que l’on pourrait faire avec cet objet.

 

 

Bibliographie

 

Gérard VERMEERSH, La petite fabrique d’écriture, Magnard, 1994

Odile PIMET, Claire BONIFACE, Ateliers d’écriture, ESF,

François BON, Tous les mots sont adultes, Fayard, 2000

Georges Perec ,Espèces d’espaces, Galilée , 1974

 

Sites:

Voir aussi le dossier du site Franc parler consacré à l’Atelier d’écriture